Limp Bizkit Loserville : une de ces journées…

Limp Bizkit Loserville : une de ces journées…

C’était bien « une de ces journées où rien ne va et où tout le monde nous dérange ». Un mercredi classique en plein milieu d’une semaine de travail. Mais les millennials outcasts qui avaient depuis bien longtemps ravalé leur colère pour entrer dans la vie d’adulte imposée par le temps étaient au rendez-vous.

18h30 devant l’Accor Arena, Break Stuff résonne déjà dans les bars et leur marée de casquettes rouges et blousons de cuir. Même si ce soir cinq groupes sont prévus au lineup, c’est bel et bien Limp Bizkit que tout le monde est venu voir.

Chacun organise sa préchauffe à sa manière, et l’on sent autour de la salle de concert l’énergie monter sous le premier ciel bleu de la saison, tandis que l’excitation grandit à mesure que les pintes de bière se vident.

Premier passage obligé au stand de merch pour acquérir le précieux t-shirt qui viendra ancrer à jamais ce souvenir et satisfaire l’adolescent headbanger qui sommeille en nous. Victime de son succès, il y a déjà des ruptures de stock sur certaines tailles et certains modèles.

Les premiers groupes s’enchaînent dans une arène qui se remplit progressivement, mais l’attente est longue pour voir ceux que l’on n’a jamais eus dans une salle aussi grande sur une date française.

Le « loser » et maître de cérémonie Jon Carnage multiplie les provocations entre chaque concert pendant les changements de scène. Son accoutrement est des plus risibles. Il subit en conséquence les huées et les jets de gobelets, son rôle est rempli à la perfection.

20h30 Le dernier groupe remercie le public, le rideau se ferme une dernière fois annonçant l’ultime changement de scène. Dans la fosse, le monde se resserre, l’Accor Arena, même s’il n’est pas complet, se remplit à grande vitesse.

21h Noir complet, et les premiers riffs libérateurs de Break Stuff, morceau emblématique du groupe, retentissent. Les premiers pogos se forment dans la fosse, tous les gradins sont debout, bras en l’air. Fred Durst, leader charismatique, arrive grimé d’une perruque et entame le célèbre « It’s just one of those days… »

Le temps s’arrête, le groupe n’a pas une moyenne d’âge de 50 ans et le public n’a pas 40 ans. Ils sont de grands enfants qui jouent pour d’éternels adolescents.

Les tubes s’enchaînent : My Generation, Nookie, My Way, Take A Look Around, Rollin’, devant un groupe médusé qui achève sa tournée sur cette ultime date européenne. Le public est déchaîné, ça se bouscule, ça saute, ça chante, ça hurle. Un sentiment libérateur qui nous rappelle aussi les vertus du metal et de ses paroles enragées et provocatrices. Devant ce spectacle inédit, Fred Durst ose même demander au public qui est français dans la salle – verdict, la vaste majorité. Et qui voit Limp Bizkit pour la première fois ce soir ? Idem.

Avant d’entamer les derniers morceaux, le groupe fera monter sur scène quelques fans micro en main pour entonner avec eux un de leurs titres phares. L’horloge tourne mais l’ambiance ne faiblit pas. Après une pique envers l’organisation et la politique qu’il rend responsable du faible niveau sonore, Fred Durst s’inquiète quand même de cette foule d’adultes suant d’énergie, torse nu pour beaucoup et mouillés par des jets de bière. Après avoir demandé confirmation, il se rend compte que beaucoup travailleront le lendemain, dans une vie loin des pogos et du nu metal.

Après un moment mélodique et la célèbre reprise de Behind Blue Eyes des Who, arrive son autre reprise, plus proche du style du groupe, celle de Faith de George Michael, qui va décrocher une dernière fois des sauts et des mains en l’air dans ce public survolté.

Ça y est, c’est la fin, les lumières se rallument, mais le groupe n’a pas prévu de partir comme ça. Il entame une seconde et ultime fois Break Stuff. Le public a tout donné, le groupe a assuré comme il le faisait lors de ses concerts emblématiques il y a près de 20 ans.

C’était donc bien « l’un de ces jours où l’on n’avait pas envie de se réveiller et où l’on voulait casser quelque chose » (Break Stuff). Ce soir-là, c’était la malédiction d’adolescents qui n’avaient jamais pu voir ce groupe américain qui les faisait rêver.

Anne-Charlotte Villate